L’allaitement exclusif pour les prématurés demeure un sujet de débat. Le lait maternel doit en effet être supplémenté pour atteindre la concentration en protéines et en minéraux nécessaire à une croissance rapide du nouveau-né prématuré. Tant que l’enfant est nourri par sonde gastrique, cette supplémentation ne pose pas de problème. Mais quand l’enfant est capable de téter elle devient plus difficile et risque de compromettre le déroulement de l’allaitement. Bien souvent la supplémentation est interrompue quand l’enfant rentre à la maison, l’exposant à un déficit nutritionnel.
Une équipe française a réalisé une étude observationnelle, à partir des résultats de deux suivis de cohortes d’enfants très prématurés, la LIFT (Loire Infant Follow-up Team) et l’EPIPAGE (Etude EPIdémiologique sur les Petits Ages Gestationnels), totalisant 2 925 enfants. L’objectif était d’étudier la relation entre l’allaitement au moment de la sortie d’hospitalisation, la prise de poids pendant l’hospitalisation et le développement neurologique de l’enfant.
Seulement 16 % des enfants de la cohorte LIFT et 19 % de ceux de l’EPIPAGE étaient sous allaitement maternel exclusif. Ces enfants ont un risque accru de perte de poids au cours de l’hospitalisation (LIFT : OR ajusté 2,51, EPIPAGE OR ajusté 1,55). Mais leur développement neurologique ne semble pas en être altéré puisque dans les deux cohortes, l’allaitement exclusif est associé à une diminution du risque d’évaluation neurologique sous-optimale, à 2 ans et à 5 ans (LIFT : OR ajusté 0,63, EPIPAGE OR ajusté 0,65). L’allaitement maternel est de surcroît associé à une augmentation du tour de tête à 2 ans dans la cohorte LIFT (OR ajusté 1,43) et à 5 ans dans EPIPAGE (0R ajusté 1,47).
De précédents travaux ont fait le lien entre une nutrition insuffisante en période immédiatement post-natale, une prise de poids insuffisante pendant le séjour hospitalier et une dysfonction cognitive ultérieure. Ici nous assistons à une situation inverse, où une moindre prise de poids pendant l’hospitalisation est associée à un meilleur développement neurologique. Les auteurs qualifient cette situation d’ « apparent paradoxe ».
Paradoxe seulement apparent, puisqu’il est maintenant démontré que la prise de poids pendant l’hospitalisation n’est qu’un mauvais facteur prédictif de la qualité de la croissance puisqu’elle ne renseigne pas sur les modifications de la composition corporelle. Les auteurs avancent quelques explications possibles : une meilleure relation mère-enfant favorisée par l’allaitement ou encore l’effet de nutriments spécifiques contenus dans le lait maternel, comme les acides gras polyinsaturés ou les oligosaccharides à effet prébiotique. Ils estiment toutefois que jusqu’à ce que de futurs travaux apportent une explication à cet « apparent paradoxe », la supplémentation doit être maintenue le plus longtemps possible.
Dr Roseline Péluchon
Rozé J-C et coll. : The apparent breastfeeding paradox in very preterm infants: relationship between breast feeding, early weight gain and neurodevelopment based on results from two cohorts, EPIPAGE and LIFT. BMJ Open 2012;2:e000834.doi:10.1136/
Une équipe française a réalisé une étude observationnelle, à partir des résultats de deux suivis de cohortes d’enfants très prématurés, la LIFT (Loire Infant Follow-up Team) et l’EPIPAGE (Etude EPIdémiologique sur les Petits Ages Gestationnels), totalisant 2 925 enfants. L’objectif était d’étudier la relation entre l’allaitement au moment de la sortie d’hospitalisation, la prise de poids pendant l’hospitalisation et le développement neurologique de l’enfant.
Seulement 16 % des enfants de la cohorte LIFT et 19 % de ceux de l’EPIPAGE étaient sous allaitement maternel exclusif. Ces enfants ont un risque accru de perte de poids au cours de l’hospitalisation (LIFT : OR ajusté 2,51, EPIPAGE OR ajusté 1,55). Mais leur développement neurologique ne semble pas en être altéré puisque dans les deux cohortes, l’allaitement exclusif est associé à une diminution du risque d’évaluation neurologique sous-optimale, à 2 ans et à 5 ans (LIFT : OR ajusté 0,63, EPIPAGE OR ajusté 0,65). L’allaitement maternel est de surcroît associé à une augmentation du tour de tête à 2 ans dans la cohorte LIFT (OR ajusté 1,43) et à 5 ans dans EPIPAGE (0R ajusté 1,47).
De précédents travaux ont fait le lien entre une nutrition insuffisante en période immédiatement post-natale, une prise de poids insuffisante pendant le séjour hospitalier et une dysfonction cognitive ultérieure. Ici nous assistons à une situation inverse, où une moindre prise de poids pendant l’hospitalisation est associée à un meilleur développement neurologique. Les auteurs qualifient cette situation d’ « apparent paradoxe ».
Paradoxe seulement apparent, puisqu’il est maintenant démontré que la prise de poids pendant l’hospitalisation n’est qu’un mauvais facteur prédictif de la qualité de la croissance puisqu’elle ne renseigne pas sur les modifications de la composition corporelle. Les auteurs avancent quelques explications possibles : une meilleure relation mère-enfant favorisée par l’allaitement ou encore l’effet de nutriments spécifiques contenus dans le lait maternel, comme les acides gras polyinsaturés ou les oligosaccharides à effet prébiotique. Ils estiment toutefois que jusqu’à ce que de futurs travaux apportent une explication à cet « apparent paradoxe », la supplémentation doit être maintenue le plus longtemps possible.
Dr Roseline Péluchon
Rozé J-C et coll. : The apparent breastfeeding paradox in very preterm infants: relationship between breast feeding, early weight gain and neurodevelopment based on results from two cohorts, EPIPAGE and LIFT. BMJ Open 2012;2:e000834.doi:10.1136/