L’IFM peut être responsable d’une anémie fœtale pouvant entrainer dans sa forme majeure un anasarque foeto-placentaire puis une mort fœtale in utéro. A la naissance, le nouveau né est exposé à une anémie ainsi qu’une hyperbilirubinémie avec un risque d’ictère nucléaire du fait de la toxicité de la bilirubine libre sur les noyaux gris centraux.
Sur le plan physiopathologique, l’IFM se définit comme la présence sur le globule rouge fœtal d’allo-anticorps maternels transmis in utéro, la cible antigénique étant les antigènes de groupes sanguins. Les complexes immuns formés identifiables par le test de coombs direct peuvent être à l’origine d’un syndrome hémolytique dont l’expression clinique majeure in utéro est l’anasarque foeto-placentaire et l’ictère nucléaire à la naissance. Le système rhésus est constitué de deux gènes contigus RHD et RHCE présents sur le chromosome 1. Le gène RHD code pour la protéine D (RH1) qui confère le groupe RhD positif (RH : 1) au sujet qui le possède. Les individus ne possédant pas le gène RHD donc RhD négatif (RH :-1). Le second gène RHCE porte les antigènes C(RH2), E(RH3), c(RH4) et e (RH5) en formant quatre combinaisons CE,Ce, cE,ce. Le principal antigène responsable est l’antigène RH1 (anciennement appelé RhD) déterminant le groupe rhésus positif. C’est l’antigène le plus immunogène du système rhésus, détecté très tôt à la surface érythrocytaire. Son passage transplacentaire constitue le mode d’immunisation le plus fréquent mais d’autres antigènes RH4 (c) et KELL (Kel), et à moindre degrés RH3(E) peuvent entrainer des répercussions fœtales et néonatales parfois aussi sévères que celle dues à l’antigène RH1.Les anticorps anti-rhésus sont immuns souvent mixtes dits immunoglobulines (Ig) de type IgM et IgG au cours d’une immunisation primaire, mais exclusivement de type IgG lors d’une immunisation secondaire. Ces anticorps maternels fixés à la surface d’hématies fœtales entrainent leur destruction rapide au niveau de la rate ce qui est à l’origine d’une splénomégalie et de l’anémie et une réaction d’hyperhématopoéise qui se traduit par la présence d’hépatomégalie et d’érythroblastes dans le sang.
Le passage d’hématies fœtales dans la circulation sanguine maternelle est appelé hémorragie fœto-maternelle. Le volume du sang fœtal nécessaire pour induire une immunisation est variable selon les individus. Le test de Kleihauer permet d’apprécier la quantité de globules rouges fœtaux présents dans le sang maternel. Il y a plusieurs circonstances capables d’induire cette immunisation à savoir : la fausse couche spontanée, l’interruption volontaire de grossesse, la grossesse extra-utérine, la grossesse molaire, la choriocentèse, le cerclage cervical, le traumatisme abdominal ou pelvien, la menace d’accouchement prématuré, la mort fœtale in utéro, les métrorragies du troisième trimestre notamment en cas de placenta praevia et d’hématomes rétro-placentaires.
Les risques encourus du fait de l’IFM sont représentés par : Le risque anémique qui peut revêtir différents tableaux cliniques : un tableau d’anasarque par augmentation de la pression hydrostatique, un choc hypovolémique, une détresse respiratoire et une anémie néonatale qui peut être à l’origine d’une asphyxie périnatale du fait de l’hypoxie et de l’hypercapnie. L’hémolyse pourrait également être à l’origine de l’hyperinsulinisme secondaire à l’hyperplasie des illot de Langerhans responsable d’hypoglycémie. Le second risque est représenté par l’hyperbilirubinémie avec risque d’ictère nucléaire.
La prise en charge de l’allo-immunisation foeto-maternelle dans le système rhésus a bénéficié d’importants progrès au cours de la dernière décennie. Ce sont d’une part la découverte de tous les gènes qui codent pour les groupes sanguins érythrocytaires permettant de déterminer dans le plasma maternel le groupe sanguin du fœtus dès la douzième semaine de gestation par PCR (polymerase chain reaction), d’autre part l’évaluation du taux d’hémoglobine par la mesure de la vélocité du flux sanguin dans l’artère cérébrale moyenne par doppler permettant de détecter des anémies modérée à sévères . L’augmentation de la vitesse liée principalement à la diminution de la viscosité sanguine est très bien corrélée au taux d’hémoglobine fœtal. Cette mesure est très fiable entre 16 et 35 SA et doit être répétée pour en assurer la validité. L’utilisation précoce d’immunoglobulines polyvalentes intraveineuse en complément à la photothérapie chez les nouveau-nés atteints d’ictère par IFM a permis une réduction de la durée de la photothérapie et d’hospitalisation ainsi que le recours à l’exsanguino-transfusion. Et enfin, concernant l’anémie post natale dont le mécanisme d’action n’est pas complètement élucidé si bien que l’hypothèse avancée implique d’une part un phénomène d’inhibition médullaire et d’autre part la mise au repos de la synthèse d’érythropoïétine. L’ensemble de ces phénomènes a fait envisager la possibilité d’utiliser l’érythropoïétine en guise d’alternative à la transfusion d’érythrocytes.
Tous ces progrès dans les traitements ont entrainés des modifications de l’état clinique des nouveau-nés et leur tableau hématologique et donc des modalités de leur prise en charge.
La prévention de l’IFM est un combat permanent surtout qu’on dispose d’une prophylaxie dans le système RH1. L’administration d’immunoglobuline anti-D doit être adaptée en fonction du volume de l’hémorragie fœto-maternelle estimé par le test de KLeihauer et doit être réaliser dans les 72 heures voire jusqu’aux 30 jours après l’accouchement.
La persistance de cas d’IFM notamment dans le système RH1 même en présence de la prévention qui constitue la pierre angulaire de toute thérapeutique doit inciter à une vigilance dans la surveillance des grossesses surtout de mère RH1 négatif. Il apparait fondamental de sensibiliser de nouveau les médecins, les obstétriciens, les sages-femmes et les biologistes au caractère impératif de la surveillance correcte des grossesses et l’application stricte de mesures de prophylaxie.
Mis en ligne le 27 juin 2011
N. lahlimi, A. Habzi, S. Benomar - Service de Néonatologie et Soins Intensifs, Hôpital d’Enfants, CHU Ibn Rochd, Casablanca. Maroc.